AdV - 1945 - 1969
Immédiatement après la guerre, on panse les dégâts occasionnés, mais le commandement français décide qu’aucune formation ne viendra occuper cette zone militaire.
Finalement, la décision est prise d’affecter les lieux à une unité. La caserne est donnée en compte le 7 octobre 1948 à la Légion qui y installe son « Centre de Regroupement et de transit de la Légion Etrangère » (CRLE) et fait construire au début des années 1950 quelques bâtiments légers vers l’Est, majoritairement en tôles.
Le capitaine Olivier Desjeux a été affecté, entre deux séjours en Indochine, à la caserne GUYNEMER dans les années 1950. Il se rappelle :
"Le Poste de Recrutement de la Légion Etrangère (PRLE), implanté à Kehl (à l’Est de Strasbourg en Allemagne), installa à proximité immédiate du Polygone, dans la caserne GUYNEMER, un Centre de Regroupement de la Légion Etrangère. Ce CRLE prit toute son importance avec l’afflux de candidats à un engagement en provenance de toute l’Europe. Ces derniers se présentaient auprès des unités militaires françaises stationnées en Allemagne de l’Ouest et à Berlin qui avaient pour mission de les diriger au plus vite vers des CRLE après les avoir habillés en tenue militaire…
La difficulté consistait à faire passer clandestinement ces futurs légionnaires vers la France. Pour ce faire, ils étaient intégrés dans des convois de permissionnaires ou de troupes en manœuvre qui se rendaient en France pour des exercices de franchissement du Rhin. Ainsi ils étaient acheminés, sans papiers, à travers les différentes zones d’occupation et traversaient la frontière pendant que les douaniers détournaient pudiquement leurs yeux de ces convois. Ils étaient alors récupérés par les cadres du CRLE et conduits à la caserne GUYNEMER où ils passaient les premiers tests médicaux ainsi que des entretiens avec l’officier de la Sécurité Militaire. Pour ceux qui n’étaient pas retenus, le voyage se faisait alors dans l’autre sens et dans les mêmes conditions. Il est quand même important de souligner qu’il n’y eut jamais d’incidents notoires avec ces volontaires à l’engagement. Peut-être que les conditions de vie de l’autre côté du rideau de fer et dans une Allemagne en pleine reconstruction ne les incitaient pas à se manifester trop bruyamment… En tout état de cause cette main d’œuvre était une véritable aubaine car elle était aussi utilisée pour entretenir les bâtiments locaux en attendant que les candidats retenus ne fassent le reste du voyage en train pour Marseille, vers le Fort Saint Nicolas, point de départ d’une nouvelle vie."
Le 30 avril 1952, c'est Camerone la fête des légionnaires, qui a lieu au quartier. Certains anciens se souviennent de la piscine qui avait été creusée quelque part à gauche en entrant par l’ancienne entrée, côté Polygone (endroit qui pourrait être situé de nos jours sur la pelouse entre les bâtiments modulaires). Tout autour de ce bassin de petites niches avaient été fabriquées et les légionnaires, dont certains étaient de véritables artistes, avaient reconstitué, à l’aide de figurines, quelques grandes batailles de la Légion. Par la suite personne ne se rappelle précisément si cette piscine a rempli sa fonction première à savoir un lieu de natation pour les cadres de la Légion.
Le 5 janvier 1953, la caserne GUYNEMER change de nom pour prendre celui d’AUBERT de VINCELLES, en l’honneur de cet officier supérieur (chef de bataillon) de la Légion tombé au combat en Indochine, après avoir effectué son temps de commandement, quelques temps auparavant, à la tête du CRLE.
Une ambiguïté subsiste néanmoins, celle de savoir si cette emprise militaire était une caserne ou un quartier (mais les aviateurs français du début du siècle avaient dû s'en charger). Sur un carton de vœux rédigé le 30 décembre 1952 par un certain Michel à l’attention de sa bien-aimée, on peut y lire la mention de « quartier AUBERT de VINCELLES / Strasbourg Neudorf. »
Quelques années plus tard, une stèle commémorative sera inaugurée sur la place d’armes de la caserne.
Au départ de la Légion du quartier AUBERT de VINCELLES, à la fin des années 1960, cette stèle sera transférée et entreposée au Centre de Recrutement de la Légion Etrangère au quartier Lecourbe à Strasbourg. Sur cette stèle sont gravés les noms des chefs de bataillons Aubert de Vincelles & Buretel de Chassey.
Transiteront aussi par le CRLE, notamment dans les années de la guerre d’Indochine et d’Algérie, les légionnaires blessés, ou en convalescence. Les légionnaires utiliseront le Polygone voisin pour s’y entraîner et faire des sauts en parachute. L'adjudant-chef Uhl, adolescent dans les années cinquante puis ancien légionnaire, se rappelle bien de l'époque où il courait derrière les rubans élastiques des voilures pour en faire de grosses pelotes.
L’adjudant-chef Ruhe, également ancien légionnaire, était président des sous-officiers et chef du service général au quartier AUBERT de VINCELLES en 1968. En 1997, il est venu faire un tour dans ce qu’il avait bien connu autrefois et il évoqua quelques souvenirs avec émotion. "Je suis égaré" dit-il, "à l’exception du grand bâtiment (il pointe son doigt vers le 022), tout a changé. Jadis, sur l'actuel court de tennis, il y avait notre potager." II se souvient aussi d'un saut en parachute particulièrement épique. Il raconte : "Par cette belle journée de printemps, une section de militaires allemands avait sauté sur le Polygone. Dans l'ensemble l’exercice s’était bien déroulé sauf pour deux parachutistes qui, pour une raison indéterminée, avaient dérivé pour atterrir dans les arbres bordant notre foyer" (aujourd'hui bâtiment du G4 – bureau « Logistique. ») "Perchés à quelques mètres du sol, incapables de se libérer de leur fâcheuse posture car empêtrés dans les suspentes de leurs voilures, les deux paras avaient besoin d'aide. J’ai appelé les pompiers. Quelques minutes plus tard nos deux malheureux paras allemands posaient enfin pied à terre, pour se voir notifier une peine d’emprisonnement dans les deux cellules de l’ancien poste de garde avec le motif suivant :
" Avoir pénétré dans un quartier sans autorisation "
Menottes aux poignets et ne comprenant rien à la situation, nos deux paras durent se soumettre. Mais ce ne fut que pour quelques courts instants, le temps de préparer un pot colossal, digne de la Légion, au mess voisin et y convier la section rassemblée pour une cuite mémorable."
Le 30 avril 1969 est célébrée une dernière fois Camerone au quartier AUBERT de VINCELLES. Le chef de bataillon Guillermet, commandant le C.R.L.E., accueille le général Pépin Lehalleur, commandant par intérim la 62ème Division Militaire. Une gerbe est déposée devant la stèle élevée à la mémoire des chefs de bataillons Aubert de Vincelles et Buretel de Chassey, anciens commandants du C.R.L.E., morts pour la France en Indochine.