LIZE - Origine





Pour comprendre le déroulement chronologique de l’histoire, il faut savoir que les deux quartiers actuels, LIZE et LYAUTEY, ont une existence commune, du jour de leur construction au profit des artilleurs allemands, à partir de l’année 1907 à l’année 1933, lorsque la scission officielle entre ces deux entités militaires fut prononcée.
Auparavant, la surface destinée à la construction de la future « Caserne des Artilleurs » au Neuhof, dans la plaine nommée « Auf der Aue », n’était composée que de champs, comme l’atteste une carte de 1860. Près de cinq décennies plus tard, le futur casernement des artilleurs de la route d’Altenheim ou Altenheimer Straße apparaît. C’est l’architecte alsacien Edouard Schimpf* qui réalisa les plans de cette vaste construction militaire, cédée à bail à l’armée allemande par la ville de Strasbourg.
Cet important casernement fut initialement conçu pour le XVème Corps d’Armée allemand, dont le P.C. était installé depuis 1870 dans la capitale alsacienne. Les plans furent réalisés et validés au début de l’année 1907. Ils apparaîtront quelques années plus tard sur une cartographie allemande datée de 1912 et montrent clairement que la rue de Solignac était déjà planifiée. Sont parfaitement dessinées, au sein de ce qui deviendra plus tard la caserne, ces deux entités que sont LIZE Nord et Sud. Cette caserne est limitée par la rue des Canonniers au Nord et au Sud par la rue Louis Braille.
D’une longueur totale de 763 m, toute cette caserne (les deux quartiers rassemblés) couvre une surface de 13 ha et comporte 36 bâtiments au total.

* Edouard Schimpf est né en 1877 et mourut sur le front Est en 1916 à l’âge de 29 ans. Il fut l’architecte municipal de 1907 à 1910.
 
 

Dès sa conception, ce casernement est destiné exclusivement à deux unités allemandes : le 51ème Régiment d’Artillerie de campagne au complet (composé de ses 2 bataillons) au Sud et au premier bataillon du 15ème Régiment d’Artillerie de campagne (soit les batteries 1, 2 et 3) au Nord. Ce dernier bataillon sera remplacé par le 84ème Régiment d’Artillerie de campagne de Strasbourg en 1912 (également son premier bataillon).
La construction de cette caserne a donc lieu entre 1907 et 1909 et elle apparaît cartographiée sous le nom de « Caserne des Artilleurs », en fait « Neue Artillerie Kaserne » sur les plans de la ville. Mais il s’avère que ces deux unités d’artillerie se retrouvent rapidement à l’étroit dans leurs nouveaux cantonnements et envisagent de faire construire, chacune dans leur zone de responsabilité, une extension vers l’Ouest, sur des surfaces encore disponibles en direction du Rhin Tortu.
Ces projets d’extension datent de fin 1913 début 1914. Les travaux sont très rapidement achevés lorsqu’éclate la Première Guerre mondiale.
L’extension, au Sud, au profit du 51ème Régiment d’Artillerie, est plus importante, avec notamment un bâtiment « Troupes », alors que celle, au Nord, au profit du 84ème Régiment d’Artillerie, est plus modeste et ne comprend qu’un bâtiment abritant un manège et une écurie en forme de L.
L'extension de la caserne, au Sud, côté 51ème Régiment, accessible également par un passage à chevaux à partir de la « Caserne des Artilleurs », sera finalement affectée au dépôt de recrues du 13ème Régiment d’Artillerie à pied (Hohenzollern Fuß-Artillerie Regiment Nr.13), en provenance d’Ulm en Allemagne, qui effectuera ainsi un court séjour à Strasbourg au cours des mois qui précèdent la Première Guerre mondiale.
Plus tard, après la Seconde Guerre mondiale, c’est cette extension de LIZE qui sera détachée du reste de la surface militaire et cédée au Ministère de l’Education Nationale.
 
Mais revenons au 1er octobre 1909, lorsque s'installent, sur l’ensemble de la « Caserne des Artilleurs », les deux premières unités d’artillerie de campagne allemandes comme nous venons de le voir plus haut. Les bâtiments sont répartis de la manière suivante :
-          au Nord (aujourd’hui quartier LYAUTEY), les bâtiments abritant le 1er bataillon du 15ème Régiment d’Artillerie de campagne de Haute Alsace (Ober-Elsässisches Feld-Artillerie-Regiment Nr.15), la salle à manger des officiers (Offizierspeiseanstalt) et deux bâtiments pour les familles (Familienhaus) du 15 et du 51.
-          au Sud (aujourd’hui quartier LIZE), le 51ème Régiment d’Artillerie de campagne de Haute Alsace (Ober-Elsässisches Feldartillerie-Regiment Nr.51) commandé par l’Oberstleutnant Fabarius.

Le lendemain dans le journal local, on pouvait lire : « Les chevaux, les hommes en tenue impeccable et casque à pointe et le matériel hippomobile investissent le nouveau casernement en grande pompe, musique en tête, en provenance de leur vieille caserne d'Austerlitz de la Metzgertor (Porte des Bouchers) où elles étaient auparavant stationnées. La rue est décorée, les guirlandes sont accrochées aux balcons, les drapeaux sont sortis. Dans la liesse générale, les nouveaux locataires, fièrement, parviennent aux portes de la nouvelle " Caserne des Artilleurs." Toute la presse est là pour rendre compte de l’événement, un film est même tourné pour la postérité. »
 
Voici ci-dessous le texte original paru dans le “Straßburger Neueste Nachrichten“, journal local dans son édition du samedi 02 octobre 1909. Ch. W.
 
"Der Einzug der Artillerie-Regimenter Nr. 15 und 51 in ihr neues Heim.
Der gestrige Zug von der alten Artilleriekaserne am Metzgerplatz in das neue Heim an der Altenheimerstraße draußen gestaltete sich für die wackeren Artilleristen zu einem wahren Triumphzug. Wahrlich: Wie schön hats doch der Kanonier... Als ob der Himmel selbst ein Einsehen und seine Freude an dem schönen militärischen Schauspiel gehabt hätte, das sich da unten entwickeln sollte, hatte er mit den Grundsätzen gebrochen, die er in diesem Jahr so folgerichtig angewandt hat, um den herrlichsten Sonnenschein zu schicken, einen Sonnenschein, wie wir ihn in diesen traurigen Herbsttagen wohl noch gar nicht zu Gesicht bekommen haben. Unter seinen Strahlen gleißten die Spitzen der Helme, die dann in ihrer Gesamtheit leuchtende Blitze als Gegengruß entsandten. Von einer gewaltigen Menschenmenge begleitet gings los. Muß i denn, muß i denn zum Städle hinaus ... Die Kapelle an der Spitze setzt mit einer fröhlichen Weise ein, als wollte sie den braven Kanonieren, die stramm und ihrer Würde bewußt, auf hohem Roß oder auf dem ihrer Obhut anvertrauten Geschoß thronten, das schwere Herz etwas erleichtern. Diese Aufgabe wurde aber noch weit besser von den Neudörflern gelöst durch deren wahrhaft prächtigen Empfang, den sie der neuen Garnison bereiteten. Die Häuser hatten reichen Fahnenschmuck angelegt, an manchen Stellen waren Girlanden von Haus zu Haus gezogen. Ein besonders ansprechendes Bild bot der kleine Platz an der Säule. Und dann die Bewohner selbst. Kein Fenster, das nicht belagert gewesen wäre wie beim Einzug eines Fürsten. Die Bürgersteige zu beiden Seiten der Polygonstraße besetzt von hundert und aberhundert Menschen, die den beiden Regimentern ihr Willkomm dartun wollten. Das „Artilleristenfieber“ hat aber anscheinend (mit Verlaub zu sagen) besonders bei der Röcke tragenden Welt um sich gegriffen. Und so geht denn der Zug weiter und weiter; unter dem Eisenbahnviadukt hindurch, wo die Erdarbeiten noch nicht fertig sind und wo es bei der geringen Straßenbreite beinahe zu einer Störung gekommen wäre.
Jetzt sind wir vor dem Haupttore angekommen und treten in den geräumigen Hof ein, wo wir die Leiter des Baues beisammen finden. Nachdem sämtliche Batterien in langerzeile ihren Einzug gehalten, versammelt der Kommandeur, Oberstleutnant Fabarius, die Offiziere seines Regiments um sich und trat auf die in leitender Stellung beim Bau beschäftigten Herren zu. In einer kurzen, kernigen Rede sprach er ihnen den Dank seines Regimentes für das schöne Heim, das sie ihm erbaut hätten, aus und nahm die Erwiderung, zu welcher einer der Herren das Wort ergriff, entgegen. Dann gegenseitige Verbeugungen, herzliches Händeschütteln - und die Zeremonie war beendet, das Regiment hatte Besitz von der neuen Kaserne ergriffen, deren Aussehen und Entwicklung wir unseren Lesern ja ausführlich beschrieben haben, so daß wir nichts hinzuzufügen brauchen. Zahlreiche Photographen, die zur Stelle waren, sorgen dafür, daß dieses für Neudorf so wichtige Ereignis im Bilde festgehalten wird. Auch eine kinematographische Aufnahme wurde hergestellt. Nach diesem so überaus herzlichen Empfang kann kein Zweifel mehr bestehen, daß sich das Verhältnis der Bevölkerung zu den beiden Regimentern auf das schönste gestalten wird."
 
En 1909, la zone autour de ce nouveau casernement est encore relativement déserte, et ce n’est qu’à partir du pont de la voie ferrée " Kibitzenau " que le quartier du Neudorf commence en direction de la ville. Ainsi chacun peut imaginer le panorama qui s’offrait au promeneur de cette époque, lorsqu’il sortait de la « Caserne des Artilleurs », côté 51. Le terrain du Polygone s’étendait de part et d'autre. Légèrement sur la gauche se situait, isolé, le cimetière et un peu plus loin sur la droite, se dressait le mur d’enceinte de la ferme du Marschallhof. A l’exception de ces quelques vieilles bâtisses parsemées dans le paysage et de quelques champs et jardins populaires, il n’y avait aucune autre construction.
 
NDLR : Parce que la ville avait besoin de la surface occupée par les anciens casernements de ces unités d’artillerie allemandes en ville pour de nouveaux projets d’urbanisation, elle supporta tous les coûts de construction (3 215 834 Reichsmark de l’époque) de cette nouvelle et imposante « Caserne des Artilleurs », et en demeura naturellement le maître d’œuvre. Dès le début du XXe siècle, pour réaliser la transaction avec le fisc militaire impérial, la Municipalité se vit donc obligée d’acheter un terrain de 128 819 m2pour la somme de 354 252 Reichsmark en bordure de l’Altenheimerstraße au Neuhof afin d’y construire ce casernement. Cette parcelle de terrain était la propriété d’un certain Lipman Meyer de Berlin.
 
Dès sa construction, en 1909, l'entrée principale du 51ème Régiment d’Artillerie de campagne allemand était bordée par deux imposants supports, sur lesquels on avait placé deux canons de campagne C 73 d’un calibre de 9 cm (selon quelques témoins attentifs, ces canons auraient disparu de leur piédestal au cours de la Seconde Guerre mondiale.)
Les contours des bâtiments du quartier étaient rehaussés par des bandeaux de grès des Vosges, grès que l’on retrouve pour les encadrements des fenêtres et des portes.
La blancheur des façades et le rouge orangé des toits, réalisés en tuiles traditionnelles, étaient les couleurs dominantes de la caserne, dans laquelle on entrait par un vaste portail en plein cintre ; au-dessus de l’entrée, un clocheton carré avec une horloge électrique constituait le seul véritable élément décoratif de l’ensemble. Toutefois l’architecte avait tenu à orner quelques bordures de toit et à rehausser quelques fenêtres, portes et murets avec des reliefs rappelant l’artillerie (boulet, grenade et bouche à feu notamment) sans doute pour accentuer davantage l’arme d’appartenance des futurs locataires. Un grand nombre de ces ornements a malheureusement aujourd’hui disparu. En levant cependant la tête, çà et là, en direction d’un toit ou d’un chambranle de porte, il est possible de voir encore quelques restes du passé (voir du côté Infirmerie).
Les plus gros bâtiments de part et d’autre de l’entrée de la caserne (actuellement 002 et 022) ont été conçus pour héberger la troupe (un bâtiment par bataillon, un étage par batterie et une chambre pour 10 soldats). A proximité se trouvaient les chambres des sous-officiers et personnels de garde, un bloc hygiène comportant 24 lavabos et une pièce pour le nettoyage et l’entretien. Quant au bâtiment affecté à l’état-major du régiment (sous le clocheton d’entrée), il y avait là les salles de permanence du régiment et des bataillons, celles de la garde et les cellules d'incarcération. A chaque bataillon correspondait une infirmerie et une zone d’hospitalisation, les appartements du médecin et les salles d’instruction.
Au 51ème Régiment d’Artillerie allemand de Campagne (selon les plans établis par l’architecte), les effectifs pouvaient être estimés de la façon suivante : 1000 hommes environ (officiers, sous-officiers et hommes de troupe), 468 chevaux et une bonne centaine de véhicules hippomobiles (en fonction bien entendu de la configuration régimentaire du moment). Au 15 voisin, ces effectifs étaient divisés par deux.
En outre, par quartier, il y avait un manège, un parcours équestre, un maréchal ferrant, de nombreuses écuries réparties sur le pourtour de l’emprise militaire et un box sanitaire (Krankenstall) où les chevaux souffrants étaient mis à l’écart. De nos jours, les manèges ont été convertis en gymnase, le parcours équestre et les forges des maréchaux ferrants ont disparus, les écuries dans lesquelles, par endroits, on aperçoit encore les auges servent dorénavant de garages et d’entrepôts de matériels et le dernier box sanitaire, certes dévoyé de son utilisation première, est encore visible dans le coin Nord-Est du quartier LIZE. Il est totalement désaffecté et sans doute destiné à être détruit dans les années à venir.
Pour ce qui concerne la troupe, il est difficile de commenter son emploi du temps quotidien. Chacun peut cependant imaginer la rigueur militaire germanique qui prévalait au sein de ces casernes à cette époque. Toutefois, lorsque la fin du service journalier le permettait, les artilleurs sortaient de la caserne en quartier libre et en tenue militaire, pour se retrouver devant une bière locale dans les nombreuses brasseries de la route d’Altenheim ou de la rue du Polygone, qui affichaient des enseignes telles que « Zum Exerzierplatz » (Au Terrain d’Exercices ou Lange Schmittel - en référence vraisemblablement à son propriétaire, M. Schmitt, qui était de haute stature. Ce café-restaurant a été détruit voici quelques décennies lorsque le tracé de la route du Neuhof fut modifié -), « Zur Laffette » (A l’Affût de Canon) ou le Coq hardi de nos jours, « Zur Polygon » (Au Polygone), « Zur Kanone » (Au canon), « Zum goldenen Kreuz » (A la croix d’or), etc. Mais une multitude d’autres boutiques ont également profité de l’aubaine pour concentrer leurs activités autour de la présence des militaires allemands. Il y avait là un coiffeur et un barbier, une boutique d’articles militaires, un chapelier, un débit de tabac, une couturière, etc. Bizarrement, les militaires fréquentaient davantage les brasseries sur la gauche en quittant la caserne, en direction du Neudorf et de la ville, que celles vers la droite, en direction du Neuhof.



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